19 déc. 2008

Asexualité, orientation sexuelle

"Theories of Sexual Orientation"
Michael D. Storms,
Journal of Personality and Social Psychology, n°38
1980

Titre : "Théories sur l'orientation sexuelle"

La recherche sur la sexualité a fait de grandes avancées lorsqu'elle a pris en considération la nature érotique des orientations, plutôt que les comportements propres à une identité sexuelle donnée. C'est en procédant ainsi, vers 1950, que le chercheur Alfred Kinsey a fait les découvertes qui ont révolutionné la façon de voir la sexualité (1).

Kinsey a pris en considération la réponse érotique aux stimuli associés à un sexe ou à l'autre, et a créé une échelle pour mesurer l'intensité de l'attirance sexuelle :

0 Exclusivement hétérosexuel(le)
1 Prédominance hétérosexuelle
2 Prédominance hétérosexuelle, occasionnellement homosexuel(le)
3 Bisexuel sans préférence
4 Prédominance homosexuelle
5 Prédominance homosexuelle, occasionnellement hétérosexuel(le)
6 Exclusivement homosexuel(le)

L'orientation sexuelle est donc un continuum bipolaire unidimensionnel allant de l'hétérosexualité à l'homosexualité et tout le monde se situe quelque part dans l'espace bisexuel de l'échelle plutôt qu'à un des deux extrêmes.

Cependant, cette représentation pose deux problèmes : les bisexuels sont vus comme des personnes à la fois hétéro et homo et non comme une catégorie propre, et les asexuels n'apparaissent absolument pas (alors que Kinsey avait bien connaissance de leur existence).

En 1978, Michael D. Storms du Département de psychologie de l'Université du Kansas, a émis l'hypothèse que les dimensions hétéro et homo ne sont pas opposées sur un continuum unidimensionnel, mais plutôt séparées dans une représentation bidimensionnelle. Une telle représentation de l'orientation érotique donnera quatre catégories d'orientation sexuelle : hétérosexuel, homo, bi et asexuel.



La représentation diffère du modèle de Kinsey par la position donnée aux bisexuels. Chez Kinsey, les bi sont vus comme moitié hétéro, moitié homo ou comme un compromis situé entre les deux extrêmes. Dans une dimension bi-dimensionnelle, ils sont vus comme ayant de hauts degrés à la fois hétéro-érotiques et homo-érotiques.
Une représentation en deux dimensions fait aussi apparaître les asexuels (ceux qui ont des scores bas dans les deux dimensions homo-érotique et hétéro-érotique).

Kinsey mêle les deux catégories, bi et asexuels, ce qui peut rendre obscurs les résultats de la recherche sur les orientations sexuelles.

Par exemple, Masters et Johnson ont étudié en 1979 les réponses sexuelles et érotiques d'hétérosexuels, d'homosexuels et de personnes qu'ils ont appelées "ambisexuelles" et qu'ils ont définies comme ceux qui ne montraient aucune préférence pour un sexe en particulier (2). Cette vision pourrait autant inclure les bi que les asexuels, et il est impossible de savoir avec certitude qui cette étude a vraiment décrit.

En fait, il est probable que les "ambisexuels" de Masters et Johnson aient été plus asexuels que bisexuels. En effet, les sujets ont certes réagi aux stimulations sexuelles mais ils ont rapporté bien moins de fantasmes que les sujets hétéro et homo. De plus les deux chercheurs ont remarqué que leurs ambisexuels avaient des difficultés à établir des relations sexuelles à long terme avec des partenaires des deux genres. Cette découverte est confirmée par les recherches sur les problèmes sociaux et interpersonnels de l'asexualité (3).


(1) Alfred Kinsey, Le comportement sexuel de l’homme, Paris, Pavois, 1948
Ibid., Le comportement sexuel de la femme, Paris, Amiot Dumont, 1954
(2) William H. Masters et Virginia E. Johnson, Homosexuality in Perspective, Toronto, New York, Bantam Books, 1979
(3) Gochros H.L. et J.S., The Sexually Oppressed, 1977